prononcez FenanOQ
créé pour les Sujets à Vifs du Festival d'Avignon 2018
fé-na-noq. Cette suite de sons éveille la curiosité : un mot étrange, dans une langue bizarre, mais aussi (on le découvre dans le programme ou sur scène) dans une écriture curieuse. Il convient de s'intéresser à la manière précise dont s'écrit FénanOQ, car c'est sciemment que Cécile Proust et Pierre Fourny ont décidé d’en faire le titre de leur "sujet à vif", commandé l'été dernier par la SACD et le Festival d'Avignon. Ce titre graphique dessine concrètement le terrain sur lequel les deux artistes ont choisi de se croiser : celui de l’écriture et de la langue, de leurs jeux tout aussi poétiques que politiques. Enjeux que Cécile Proust révèle avec virtuosité, et pour lesquels elle requiert de toute urgence notre attention : une furieuse bataille fait rage depuis bientôt quatre siècles au sein de la langue française. Il en va de la négation du féminin et de la suprématie du masculin, toutes deux déjà inscrites durablement dans la langue française et son écriture, dans nos cerveaux donc. Cécile Proust nous met face à l’évidence des pièges dans lesquels nous sommes toutes et tous tombé·ées; des pièges retords qui renversent notre jugement, dont nous découvrons, stupéfaits, qu'il cède encore, ce jugement, aux sirènes pernicieuses d’un “bon” sens fabriqué de toute pièce et de longue date. Mais surtout, Cécile Proust nous ouvre les yeux et les oreilles sur l’issue indécise de cette bataille, tout en nous suggérant, non sans humour, les usages qui pourraient faire la différence dans notre langue. Pierre Fourny s’attaque, à ses côtés, silencieusement mais sûrement, aux signes qui nous servent à les inscrire, ces différences. Ces signes se fabriquent sous nos yeux et laissent "entendre" que de simples traits ont le pouvoir de signifier quelque chose par eux-mêmes, comme cela, seuls. Il faut dire que nous avons tendance à croire ce que nous voyons. Et Fourny en profite allègrement : il coupe les mots en deux horizontalement, les manipule et les transcende.
Prononcez FénanOQdémontre, par l’absurde peut-être, que nous avons la main "sur les mots", chacun, chacune, pour que toutes les identités, tous les êtres-au-monde soient nommés, re-connus et existent pleinement. La langue française n’est pas une exception. Elle dispose de tous les outils pour que celles et ceux qui en sont absentEs apparaissent, ou, ce qui est encore plus étonnant, ré-apparaissent, tout simplement. Cécile Proust et Pierre Fourny exécutent une chorégraphie mouvante, jubilatoire, éclairée et décomplexée. Le plateau du théâtre devient une page de possibles, poétiques mais aussi bien réels.
Juliette Aklakan dans le Chardon
Avec Prononcez FénanOQ, on assiste d’abord à un petit jeu dans le public auquel les deux acolytes se livrent, l’un avec une machine extraordinaire, déjà croisée à Avignon, qui fait des mots avec d’autres mots en utilisant la typo et les liens entre les continuités des lettres. C’est vertigineux... pendant ce temps-là, on nous interroge sur notre usage – ou pas – de la langue inclusive ou épicène. Ensuite, on prend un bon cours d’histoire de la langue française et il n’est pas inutile de nous rappeler ( !) que « le masculin l’emporte sur le féminin que depuis le 17ème siècle » avant, on accordait tout selon le genre, y compris les noms de métiers...C’est ludique. Un petit Kâma-Sûtra grammairien par là-dessus et c’est emballé... On sort de la guilleret en se disant même que c’est de tous les Sujets de cette fournée, celui qui nous restera le plus vif à l’esprit jusqu’à l’année prochaine...
Emmanuel Serafini dans Inferno
Créé dans le cadre des Sujets à Vif (SACD- Festival d’Avignon 2018), Prononcez FénanOQest le fruit de la rencontre corporelle, plastique, politique et poétique entre Cécile Proust et Pierre Fourny. Dans cette proposition en mots, en images et en mouvement, inspirée par les questions de genre qui ont soulevé le Festival d’Avignon cette année, Cécile Proust, danseuse, chorégraphe, autrice et directrice artistique de femmeuseslivre avec Pierre Fourny, poète, metteur en scène et codirecteur de ALIS (Association Lieu Image Son) un combat pour la reconnaissance de la place des femmes à la ville comme à la scène.
Au moyen d’une fabuleuse machine à découper les lettres et à inventer de nouveaux mots, et d’une exploration historique et théorique des usages de la langue, les deux complices nous rappellent qu’il fut un temps où le féminin pouvait l’emporter sur masculin, où l’on féminisait les noms de métier – sans crier au ridicule...
Sylvie Martin-Lahmani dans Alternatives Théâtrale