le 7 août 2004

 

À Pougues-les-Eaux, la chorégraphe reprend des performances historiques et revendicatrices

Cécile Proust revient aux féministes des années 1970

CÉCILE PROUST est une femme, une chorégraphe et, depuis deux ans, une « femmeuse ». Sous ce terme, elle a mis en place un collectif de recherche autour du féminisme et des performances des armées 1970. Soutenue en première ligne par le centre d'art contemporain de Pougues-les-Eaux, dont elle est artiste invitée en 2004, Cécile Proust rameute aujourd'hui le ban et l’arrière-ban de la danse contemporaine, depuis le Centre national de la danse jusqu'aux centres chorégraphiques de Rennes, de Belfort, de Montpellier... qui vont l'accueillir à leur tour en résidence de recherche.

À ses côtés, les chorégraphes Sophiatou Kossoko, Vera Mantero, la théoricienne Laurence Louppe, le danseur Mickael Phelippeau sont de mèche pour réactiver la flamme des actions artistiques débridées commises par nombre de performeuses liées aux mouvements féministes d'il y a trente ans. « Femmeuses se veut un projet à la fois créatif, historique et théorique, explique Cécile Proust. En tant que femme et artiste, je prends position aux côtés des performeuses des années 1970 pour questionner le genre, la sexualité, les rapports hommes-femmes. La situation se détériore pour les femmes un peu partout dans le monde, et il est urgent de s'engager de nouveau. Les performances féministes, très sous-évaluées, me semblent un bon outil pour appréhender l'art et la danse aujourd'hui où le genre féminin continue de faire profil bas. »

« ÇA PEUT FAIRE PEUR »
En plein dans le mouvement identitaire qui secoue la danse contemporaine (les hommes comme les femmes), Cécile Proust, par ailleurs chargée de cours à l'université ParisVIII, travaille avec ses complices sur une dizaine de performances «historiques» comme celles de VALIE EXPORT (née en 1940), qui s'exposait le pantalon ouvert avec un flingue à la main à l'entrée des cinémas pornos (1969), d'Adrian Piper (née en 1948), qui se maquillait en homme noir avec moustache et perruque afro (1975), constatant qu'elle « représentait tout ce que les femmes blanches haïssent et craignent le plus en Amérique », ou de Carolee Schneemann (née en 1939), qui sortait de son vagin un papier très long qu'elle dépliait pour en lire les inscriptions. « Évidemment, ça peut faire peur, mais c'est très excitant de se confronter à ces pensées. Il s'agit de s'approprier certaines performances pour les réinventer à travers des hommages critiques qui en rejouent l'expérience physique, psychique et réinterrogent leurs enjeux. De même, nous imaginerons des interventions sur certains textes de l'époque. »

Cette aventure va dans le droit-fil des obsessions de Cécile Proust depuis vingt ans. Qu'est-ce qu'être une femme, dans la vie et dans la danse? Quelle est la spécificité du corps féminin? Quelle place tient-il dans le monde et dans l'art? À ces questions, la danseuse-chorégraphe a tenté d'imaginer des réponses riches et contradictoires. Elle s'est initiée au kathak indien et au jiuta-mai japonais (danse des geishas) pour en extraire un geste singulier qui redéfinit les contours d'une danseuse et d'une femme à l'envergure universelle. « Lorsque j'ai commencé la danse contemporaine, je ressentais une certaine fatigue à intégrer des mouvements qui ne convenaient pas à mon corps. J'avais envie d'autres énergies. Il régnait alors une sorte d'indifférenciation sexuelle, qui ne me comblait pas. J'ai cherché ailleurs, du côté de l'érotisme, pour tenter de faire jaillir la séduction archaïque de la femme qui danse. »

En écho aux multiples clichés féminins qu'elle assume avec plaisir, comme la douceur, la fluidité et même l'exhibitionnisme, elle affirme aussi le désir d'être maîtresse des pulsions et des contradictions qui secouent son corps. « Nous sommes aussi violentes que les hommes, appuie-t-elle. Pendant des siècles, on nous a cantonnées dans le rôle des gentilles et douces. Je revendique d'être un sujet et non un objet, comme la femme l'est encore trop souvent. Je ne veux pas faire profil bas et je veux jouer avec tout ce que je suis, stéréotypes y compris. Ça ne retire rien aux hommes d'ailleurs, bien au contraire ! »

Rosita Boisseau

Soirée « Femmeuses », performances et vidéos sous la direction de Cécile Proust. Le 7 août 20 heures. Entrée libre. Parc Saint-Léger, 1, avenue Conti, Pougues-les-Eaux (Nièvre). Tél. 03-86-90-96-60.