À Pougues-les-Eaux,
la chorégraphe reprend des performances historiques et revendicatrices
Cécile Proust revient aux
féministes des années 1970
CÉCILE PROUST
est une femme, une chorégraphe et, depuis deux ans, une «
femmeuse ». Sous ce terme, elle a mis en place un collectif de
recherche autour du féminisme et des performances des armées
1970. Soutenue en première ligne par le centre d'art contemporain
de Pougues-les-Eaux, dont elle est artiste invitée en 2004, Cécile
Proust rameute aujourd'hui le ban et l’arrière-ban de la
danse contemporaine, depuis le Centre national de la danse jusqu'aux
centres chorégraphiques de Rennes, de Belfort, de Montpellier...
qui vont l'accueillir à leur tour en résidence de recherche.
À ses côtés, les
chorégraphes Sophiatou Kossoko, Vera Mantero, la théoricienne
Laurence Louppe, le danseur Mickael Phelippeau sont de mèche
pour réactiver la flamme des actions artistiques débridées
commises par nombre de performeuses liées aux mouvements féministes
d'il y a trente ans. « Femmeuses se veut un projet à la
fois créatif, historique et théorique, explique Cécile
Proust. En tant que femme et artiste, je prends position aux côtés
des performeuses des années 1970 pour questionner le genre, la
sexualité, les rapports hommes-femmes. La situation se détériore
pour les femmes un peu partout dans le monde, et il est urgent de s'engager
de nouveau. Les performances féministes, très sous-évaluées,
me semblent un bon outil pour appréhender l'art et la danse aujourd'hui
où le genre féminin continue de faire profil bas. »
« ÇA
PEUT FAIRE PEUR »
En plein dans le mouvement identitaire qui secoue la danse contemporaine
(les hommes comme les femmes), Cécile Proust, par ailleurs chargée
de cours à l'université ParisVIII, travaille avec ses
complices sur une dizaine de performances «historiques»
comme celles de VALIE EXPORT (née en 1940), qui s'exposait le
pantalon ouvert avec un flingue à la main à l'entrée
des cinémas pornos (1969), d'Adrian Piper (née en 1948),
qui se maquillait en homme noir avec moustache et perruque afro (1975),
constatant qu'elle « représentait tout ce que les femmes
blanches haïssent et craignent le plus en Amérique »,
ou de Carolee Schneemann (née en 1939), qui sortait de son vagin
un papier très long qu'elle dépliait pour en lire les
inscriptions. « Évidemment, ça peut faire peur,
mais c'est très excitant de se confronter à ces pensées.
Il s'agit de s'approprier certaines performances pour les réinventer
à travers des hommages critiques qui en rejouent l'expérience
physique, psychique et réinterrogent leurs enjeux. De même,
nous imaginerons des interventions sur certains textes de l'époque.
»
Cette aventure va dans le droit-fil
des obsessions de Cécile Proust depuis vingt ans. Qu'est-ce qu'être
une femme, dans la vie et dans la danse? Quelle est la spécificité
du corps féminin? Quelle place tient-il dans le monde et dans
l'art? À ces questions, la danseuse-chorégraphe a tenté
d'imaginer des réponses riches et contradictoires. Elle s'est
initiée au kathak indien et au jiuta-mai japonais (danse des
geishas) pour en extraire un geste singulier qui redéfinit les
contours d'une danseuse et d'une femme à l'envergure universelle.
« Lorsque j'ai commencé la danse contemporaine, je ressentais
une certaine fatigue à intégrer des mouvements qui ne
convenaient pas à mon corps. J'avais envie d'autres énergies.
Il régnait alors une sorte d'indifférenciation sexuelle,
qui ne me comblait pas. J'ai cherché ailleurs, du côté
de l'érotisme, pour tenter de faire jaillir la séduction
archaïque de la femme qui danse. »
En écho aux multiples clichés
féminins qu'elle assume avec plaisir, comme la douceur, la fluidité
et même l'exhibitionnisme, elle affirme aussi le désir
d'être maîtresse des pulsions et des contradictions qui
secouent son corps. « Nous sommes aussi violentes que les hommes,
appuie-t-elle. Pendant des siècles, on nous a cantonnées
dans le rôle des gentilles et douces. Je revendique d'être
un sujet et non un objet, comme la femme l'est encore trop souvent.
Je ne veux pas faire profil bas et je veux jouer avec tout ce que je
suis, stéréotypes y compris. Ça ne retire rien
aux hommes d'ailleurs, bien au contraire ! »
Rosita Boisseau
Soirée « Femmeuses »,
performances et vidéos sous la direction de Cécile Proust.
Le 7 août 20 heures. Entrée libre. Parc Saint-Léger,
1, avenue Conti, Pougues-les-Eaux (Nièvre). Tél. 03-86-90-96-60.